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révolution technique et scientifique
28 octobre 2015

La révolution digitale en marche.

« Dans la manufacture, le point de départ de la révolution du mode de production est la force de travail ; dans la grande industrie, c’est le moyen de travail »(Le Capital, PUF, p. 91)

 Depuis la grande révolution industrielle , celle de l’introduction du machinisme, le bouleversement permanent des forces productives n’a cessé de nous présenter de multiples révolutions et sous-révolutions plus ou moins importantes. Nous reprenons ici le terme de « révolution digitale » qui elle-même s’inscrit dans la dite révolution  des TIC (technologies de l’information et de la communication) qui bouleverse depuis quelques années le monde du travail et la société civile au niveau planétaire.
Le choix du tout-connecté au service de l’entreprise n’est pas innocent, il entraîne la disparition progressive de la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée, au point que la question d’une suppression des 35 heures de travail par semaine n’a plus aucun sens réel. L’éclatement du temps de travail en de multiples contrats à durée déterminée, jusqu’au contrat zéro heure, n’est plus à démontrer.
Nombreux sont ceux qui dans les entreprises dépassent les 35 heures et travaillent en heures supplémentaires non payées et exonérées de charges sociales, pendant que d’autres signent des contrats annuels de X heures de travail en fonction des besoins de l’employeur. Pour ce qui est des dépassements d’horaires, ce sont en particulier les « cadres » au forfait jour qui, n’ayant pas d’horaires définis, se trouvent dans cette situation, mais pas seulement, pour des raisons diverses : « promesses de promotion », « aménagement des congés », « méritocratie »... les salariés non-cadres dépassent aussi les 35 heures. Quant au salariat précarisé, il n’est plus qu’une force de travail d’ajustement.
Avec la révolution numérique, ce ne sont plus seulement les marchandises qui sont dans le système de la « traçabilité », mais c’est maintenant celui qui vend sa force de travail, la seule marchandise qu’il possède, qui va se trouver en permanence sous le fouet de la « traçabilité » (1).
Du côté des consommateurs, nous voyons maintenant s’instaurer des contrôles personnalisés des individus en fonction de leur comportement. Des associations de consommateurs allemandes sont intervenues contre des assureurs comme Generali qui a le projet de proposer des contrats « santé prévoyance » intégrant le comportement de l’assuré. Ceci afin de personnaliser la tarification et les prestations selon le comportement de l’assuré. Generali veut diffuser ses «assurances comportementales» en collaboration avec Discovery (société sud-africaine) en Autriche. En France, Apple et Samsung sont sur le même créneau.

Surveiller: clients, salariés,
et sans domicile fixe, comme des prisonniers

De mémoire, Marx comparait les conditions de travail aux conditions disciplinaires des prisons, celles-ci étant un laboratoire des comportements humains. Eh bien nous y voilà, nous avons tous vu ou entendu que les prisonniers pouvaient maintenant sortir en ville munis d’un bracelet de contrôle à distance. Il est rapidement venu à l’esprit des partisans du « tout sécuritaire », les assureurs,   de se lancer sur la piste en utilisant leur personnel comme cobaye au nom de la « prévention sécuritaire » (Generali, AXA, BP et d’autres).
Par exemple : « L’élu précarité de la mairie de Marseille, le SAMU social et la compagnie d’assurance privée AG2R la Mondiale veulent faire porter aux personnes SDF de la ville des badges. Sur ce badge, qui doit être attaché à l’extérieur et être visible, sera écrit le nom, le prénom de la personne et le numéro de sécurité sociale.Il y aura aussi les maladies chroniques que la personne a comme le diabète, l’insuffisance cardiaque, mais aussi le VIH et la schizophrénie. » Source : « Cessons la stigmatisation des SDF », http://www.millebabords.org/spip.php?article27089).
Plus généralement, vingt-huit « digital champions européens » ont été nommés par le commissaire européen chargé du numérique ; pour la France c’est un dénommé  Gilles Babinet qui est « digital champion » (2). Dans un entretien avec le site argusdelassurance.com, il n’hésite pas à parler d’un « plan Marshall du numérique »:
« Il me semble que les grands assureurs sont partis. Il y a encore un an [en 2013], ils n’étaient pas forcément très en avance. Mais en très peu de temps, ils ont rattrapé leur retard et font désormais très vite, surtout depuis que le sujet est jugé stratégique au plus haut niveau. Outre cette poignée de grands acteurs internationaux, difficile de dire à quel stade se trouvent les autres intervenants sur ce marché. Cependant, il me semble indispensable que les différents organismes professionnels appellent à un véritable plan Marshall sur ce sujet.
» En considérant qu’un tel scénario est le plus probable, il me semble que les assureurs devraient rentrer dans une logique proactive de collecte massive de données. Je n’exclus pas qu’à terme, ils offrent des objets connectés à leurs assurés pour capter les informations leur permettant de se transformer en véritables plate-formes, non plus seulement destinées à assurer, mais à accompagner leur client vers du mieux-être et du mieux-vivre. Un modèle économique proche des opérateurs de télécoms, qui ont longtemps offert les terminaux. »

De son côté, le groupe AXA fait toute une propagande, il prétend ne pas se laisser « kodakiser » :
« S’il y a un syndrome qu’Axa veut éviter à tout prix, c’est celui de Kodak, ce grand groupe qui n’a pas su prendre le tournant du numérique et dont le business a perdu toute sa valeur alors que l’innovation était à sa portée. » (Nicematin.com, 23 septembre 2014.)

« Si l’on se réfère à l’économiste américain Paul David qui a travaillé sur les grands changements de paradigmes technologiques, il apparaît que, dans ces moments-là, 80 % des acteurs meurent, indépendamment de leur taille. En outre, si Google s’y met, les risques pour la profession sont énormes.»
(Gilles Babinet, entretien avec argusde lassurance.com)

Pour conclure

Avec la découverte des microprocesseurs la miniaturisation est partout. Elle conditionne toute la recherche vers l’infiniment petit, mais aussi vers l’infiniment grand (conquête de l’espace). Mais elle s’inscrit toujours dans la phase où le moyen de travail se substitue à la force de travail. Nous pressentons bien que nous vivons un grand changement, un saut qualitatif.
Nous commençons seulement à entrevoir la portée de ce saut qualitatif tant sur la société civile que sur le monde du travail ; il permet de fractionner le temps de travail comme jamais auparavant, en fait d’être l’instrument de la précarisation montante de la société. Après l’éloge du bénévolat pour compenser l’incurie des services sociaux, le capitalisme cherche maintenant grâce aux TIC à  utiliser le consommateur  comme travailleur gratuit  ce que Philippe Godard dans son  article « Dans la jungle digitale » perçoit aussi :
« Il n’est pas anecdotique que nous allions tout récupérer sur le Net, depuis notre formulaire de déclaration de revenus jusqu’à nos billets de train ou de cinéma. Nous obtenons même, via un moteur de recherche, des renseignements sur tel individu inconnu avec lequel nous aurons demain un rendez-vous de travail (3). »

Mieux il va utiliser un terme très fort, pour montrer le niveau d’aliénation aux TIC, celui de « prothèse » :
« Nous ne pouvons plus échapper aux puces RFID ou aux réseaux, wifi, 3G, 4G, etc., qui nous accompagnent à tout moment où que nous soyons. L’outil Internet devient une prothèse au sens fort du terme : nous ne devrions plus pouvoir nous en passer.»

G. Bad
9 mars 2015

NOTES

(1) Voir « Témoignage sur l’introduction des technologies numériques dans la fonction salariée de conducteur d’autocar » Echanges n°147 (printemps 2014), p.37.

(2) Qu’est-ce qu’un digital champion ? M. Babinet répond : « Comme les 27 autres digital champions européens, j'ai été nommé à cette fonction informelle, non rémunérée, directement par Neelie Kroes, commissaire européenne chargée du numérique. Notre rôle est d'aider l'Europe à réfléchir aux enjeux du numérique en apportant un regard alternatif et détaché des emprises politiciennes. » Entretien avec le site argusdelassurance.com, 30  mai2014.)

 (3) http://mondialisme.org/spip.php?article2014, Echanges n° 145 (automne 2013).

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